Introduction
Tout commence en novembre 1898 avec les premières démonstrations publiques de la télégraphie sans fil (utilisation des ondes électromagnétiques à la place des fils télégraphiques) à Paris.
En 1906, suite aux travaux de Lee De Forest, qui inventa la lampe à triode, la téléphonie sans fil succède à la télégraphie sans fil. La radio, est à cette époque, d’usage exclusivement militaire.

Après la Première Guerre mondiale, la France crée des radios d’état tout en permettant la création de radio privée.
Si vous souhaitez en savoir plus sur l’histoire de la radio française, voici un lien vers leur site : Radio France |

Le peintre et compositeur Luigi Russolo, est issu d’une famille de musiciens et expérimente très tôt. En 1913, il rédige le Manifeste du bruit, dans lequel il théorise l’intégration des bruits naturels et industriels dans la musique et, crée des instruments capables de reproduire et de modifier ces sons. En 1914, Russolo organise des concerts bruyants, notamment le célèbre Gran concerto futurista per intonarumori. Ce concert de musique expérimentale, suscite des réactions mitigées.
Parallèlement à sa carrière musicale, il pratique la peinture, influencé initialement par le symbolisme et le divisionnisme, puis par le futurisme. Luigi Russolo s’intéresse, également, aux sciences occultes, au yoga et aux philosophies orientales.

Un peu d’histoire
Pierre Schaeffer
Le compositeur, théoricien et écrivain, Pierre Schaeffer, crée en 1943 le Studio d’Essai à la Radiodiffusion française, dédié à l’expérimentation radiophonique, jusqu’en 1945.
Faisant suite au Studio d’Essai, le dramaturge et poète Jean Tardieu, avec Pierre Schaeffer, créent le Club d’Essai en 1946, atelier de création radiophonique.
C’est là que Pierre Schaeffer réalisa ses premiers essais musicaux, notamment l’œuvre fondatrice de la musique concrète, la Symphonie pour un homme seul (1949), créée en collaboration avec Pierre Henry. En 1951, il créa le Groupe de musique concrète, rebaptisé en 1958 Groupe de recherches musicales (GRM), qui devint un laboratoire pour explorer et remettre en question les notions traditionnelles de musique, d’écoute, de timbre et de son.
En 1966, Schaeffer publia le Traité des objets musicaux, une œuvre philosophique et acoustique où il affirme que tout bruit, même insolite, peut constituer un élément musical.
John Cage
Le musicien, écrivain, peintre et mycologue (spécialiste des champignons) John Cage, de son côté lui, expérimente les extrêmes et s’engage dans des mouvements d’avant-garde, notamment Fluxus et l’esprit dada. Il invente le « piano préparé », modifiant l’instrument pour en faire un ensemble de percussions. Ses années 1940 sont décisives, notamment avec l’introduction du Zen dans sa philosophie et ses expérimentations avec le hasard, utilisant des méthodes comme le Yi-king ou le lancer de dés, pour composer des œuvres où l’imprévisibilité prime, comme « 4’33” » où l’interprète ne joue pas et où l’écoute des bruits ambiants devient la pièce elle-même.
Il développe une conception de la musique expérimentale basée sur l’indétermination (caractère de ce qui n’est pas déterminé), le chaos et la chance, considérant que l’art doit accepter l’imprévu. Sa collaboration avec Merce Cunningham, qui privilégie la danse abstraite et le hasard, illustre cette philosophie. En 1958, ses œuvres et ses idées suscitent de grands débats en Europe. Il publie en 1961 « Silence », recueil de textes regroupant les conférences et les articles qui sont à l’origine de sa pensée. Il explore, également, la musique comme théâtre.
Karlheinz Stockhausen
Le compositeur Karlheinz Stockhausen, suit les cours à l’école d’été de musique de Darmstadt, en 1950. Cette école va façonner sa vision de la musique moderne. Influencé initialement par Paul Hindemith, il se tourne rapidement vers Arnold Schoenberg, Anton Webern et Olivier Messiaen, dont il adopte les principes de déduction, d’unité organique et de conception du temps musical.
En 1953, il découvre la musique concrète avec Pierre Schaeffer, ce qui l’oriente vers la musique électronique, avec des œuvres comme Gesang der Jünglinge. Sa musique expérimentale explore divers domaines, mais la mélodie reste centrale. Son œuvre se développe de la période sérialiste des années 1950 à ses œuvres plus expansives des années 1970, notamment avec Licht, sept opéras pour les sept jours de la semaine. Il est très influencé par les différentes philosophies orientales et les 3 religions monothéistes.
Musiques expérimentales
Vous l’aurez compris, la musique expérimentale est un ensemble de techniques et d’innovations dans la capture et le traitement du son, qui a permis l’avènement de nouvelles formes d’expression sonore. Elle se distingue par son rejet des conventions musicales établies.
La musique bruitiste (noise)
Elle utilise des sons bruts et réels (cris, machines) manipulés électroniquement pour créer des textures caustiques.
Throbbing Gristle
Le groupe Throbbing Gristle, formé en 1975, est un des pionniers du genre, il a créé la musique industrielle en réaction à la commercialisation de l’industrie musicale des années 70, en développant une esthétique provocante et expérimentale. Leur but était de choquer, de déstabiliser l’auditoire, en utilisant des sons distordus, des images provocantes et une approche anti-musicale inspirée de la musique concrète.
Il crée son propre label, Industrial Records et en 1977, le groupe sort l’album The Second Annual Report et en 1978, l’album D.O.A the third and Final report. Il se sépare en 1981.
Wolf Eyes
Autre groupe influent, Wolf Eyes, il est connu pour sa liberté et son caractère insaisissable. Leur musique expérimentale, explosive, brute et souvent dévastatrice, explore des univers tels que le psycho jazz et le Trip Metal. Leur album Dreams In Splattered Lines mêle influences Fluxus, musique concrète, paysages oniriques, collages sonores et poésie orale, créant un univers à la fois déroutant et immersif, avec une bonne dose de dérision.
Merzbow
Il y a aussi, le japonais Merzbow, son style se caractérise par des sons très bruts, utilisant la distorsion, les larsen et des bruitages produits par synthétiseurs et machines artisanales. Merzbow est une figure majeure de la scène bruitiste japonaise. En 1979, il fonde son premier label Lowest Music & Arts et en 1980 son second label ZSF Produkt. En 2004, il sort l’album Electro Magnetic Unit et en 2011, il sort l’album One Bird Two Bird en collaboration avec Jim O’Rourke et Mats Gustafsson.
La musique glitch
Elle se caractérise par l’utilisation intentionnelle de bruits accidentels, de glitches numériques, de distorsions, de coupures, de répétitions inopinées et d’autres formes de déformation du son pour créer des textures auditives innovantes et souvent abstraites.
Le groupe Oval, fondé par Markus Popp, est un des premiers à avoir popularisé le glitch. Ils ont commencé en mutilant délibérément des CD en écrivant dessus avec des feutres, puis traitaient des échantillons de sons fragmentés pour créer un style électronique très rythmique. En 1995, le groupe sort l’album 94 Diskont qui exploite des bruits et des défaillances sonores.
Le compositeur et producteur Kim Cascone, est un autre pionnier de la musique glitch dans l’électronique et l’expérimental. Il utilise les problèmes numériques et les échecs systémiques, dans la création de musique post-numérique et pour ordinateur portable. On lui doit notamment l’album (Delete) sorti en 2000.
L’artiste et musicien Ryochi Ikeda, est un des premiers à avoir utilisé l’imperfection et la manipulation numérique. Il explore la granularité, le bruit et la précision, utilisant la technologie pour manipuler le son, puis orchestre le tout au moyen de formules mathématiques. En 1995, il sort l’album 1000 Fragments et en 1996, il sort l’album +/-.
La musique expérimentale dans le jazz
Avec le free jazz et le jazz d’avant-garde, ces mouvements rejettent les structures traditionnelles pour privilégier l’improvisation totale, influençant largement le genre.
Cecil Taylor
Le pianiste Cecil Taylor, est une figure pionnière du free jazz, il est formé au piano classique dès l’enfance dans une famille cultivée. Il privilégie le rythme et les mélodies plutôt que l’harmonie, et utilise le piano non seulement comme un instrument mélodique, mais aussi comme une percussion. Son style se caractérise par la création de sons atonaux, où chaque note a une importance propre, même si la musique reste basée sur une tonalité.
On lui doit notamment l’album The World Of Cecil Taylor sorti en 1960 et l’album Trance enregistré en direct au Montmartre Jazzhus en 1962.
Sun Ra
Le musicien et artiste Sun Ra, est un autre pionnier du jazz, mêlant influences cosmiques, ésotériques et futuristes. Il commence sa carrière en dirigeant des orchestres dans les années 1930. Passionné par l’ésotérisme et la science-fiction, il affirme avoir été téléporté sur Saturne et se présente comme un extraterrestre né dans l’espace, destiné à sauver le peuple noir.
Il fonde l’orchestre Sun Ra Arkestra, avec lequel il expérimente le jazz spatial, l’électro, et le mélange de tradition et de futurisme. En 1967, l’orchestre sort l’album Cosmic Tones for Mental Therapy et en 1978, l’album Lanquidity.
Art Ensemble of Chicago
Art Ensemble of Chicago, sont les pionniers du mixage entre le free jazz et la musique africaine, leur spectacle est un déploiement de percussions, de rythmes libres, d’influences rock. Les musiciens, tous multi-instrumentistes, portent des costumes et sont grimés. Ils jouent de tout type d’instruments, incluant, cloches, klaxons de vélo, crécelles d’anniversaire, carillons éoliens, etc.
On leur doit notamment l’album A Jackson In Your House, sorti en 1969 et l’album Fanfare for The Warriors, sorti en 1972.
Le rock expérimental
Ce style de rock explore des structures non-conventionnelles, textures innovantes, et influence des styles variés comme le progressif ou le noise rock.
Le groupe Sonic Youth est fondé, en 1981 par Thurston Moore, un passionné de punk. Le groupe joue avec des accordages libres et modifie leurs instruments pour explorer de nouvelles sonorités, à l’image des expérimentateurs du jazz underground. En 1982, sort l’album Confusion Is Sex et en 1985, l’album Bad Moon Rising.
Le groupe Swans est fondé, en 1983 par Michael Gira, seul membre permanent. Le groupe a exploré divers genres, le noise rock et rock industriel, des sonorités post-punk, gothiques, puis post-rock et dark ambient. En 1983, sort l’album Filth et avec l’album The seers, sorti en 2012, le groupe continue à expérimenter, mêlant post-rock, riffs industriels et sonorités innovantes.
Les différentes utilisations
La musique bruitiste
Elle est souvent utilisée, comme on la vue dans cet article, pour provoquer, pour questionner ou pour explorer les limites du son.
– Cinéma
Le réalisateur David Lynch mélange des bruits et des sons expérimentaux dans son film Eraserhead, sorti en 1977, pour renforcer l’atmosphère anxiogène.
Le cinéaste Godfrey Reggio mêle le bruitisme avec des sons industriels dans son film Koyaanisqatsi, sorti en 1982, pour illustrer la collision entre la nature et la technologie.
Le réalisateur Edmund Elias Merhige utilise la musique bruitiste dans son film expérimental Begotten, sorti en 1989, pour créer une atmosphère sonore abrasive et pour renforcer son univers sombre et déroutant.
Les réalisateurs Ola Simonsson & Johannes Stjärne Nilsson utilisent les objets de tous les jours dans leur court-métrage Music for One Apartment and Six Drummers, sorti en 2001, dans un but de création sonore.
– Arts de la scène
L’artiste japonais Merzbow, Masami Akita de son vrai nom, intègre souvent des sons abrasifs et bruitistes dans ses performances scéniques.
Utilisé dans les performances de l’ »art sonore », pour plus de détail voici un dossier du site Arts Hebdo Médias.
Utilisé dans la performance, comme dans ces œuvres sonores et plastiques, où le bruit devient un élément central.
– Événementiel / installations
L’artiste Bill Fontana met en exergue les sons présents dans l’environnement public dans son œuvre Arche sonore pour inviter les usagers de cet espace à écouter.
L’artiste sonore Christian Marclay exploite le bruit et la collision de sons, dans ses installations et performances, pour questionner la perception auditive.
Janet Cardiff utilise des sons bruités ou industriels dans ses œuvres immersives.
Janet Cardif, a sorti un livre, en anglais, sur ses promenades audio, accompagné d’un CD qui guide le lecteur : The Walk Book |
La musique glich
– Cinéma
Le réalisateur Gaspar Noé, utilise des effets visuels et sonores expérimentaux et des éléments glitch, dans son film Enter the Void, sorti en 2000, pour renforcer l’atmosphère psychédélique.
Les réalisatrices Lana et Lilly Wachowski, évoquent les glitchs numériques, dans certaines scènes et effets sonores, dans leur film The matrix, sorti en 1999, pour souligner la nature virtuelle du monde.
– Arts de la scène et performances
Le compositeur et artiste Alva Noto, intègre la musique glitch dans ses performances live et œuvres visuelles, mêlant musique électronique minimale aux textures glitch comme dans son œuvre unitxt univrs.
En collaboration avec le poète Anne-James Chaton et le guitariste Andy Moor, Alva Noto sort une création littéraire et sonore accompagnée d’un CD où se mêlent, mots, rythmes et boucles mélodiques : Décade |
– Événementiel et installations
Le Festival Sonar à Barcelone accueil de nombreux artistes, comme Alva Noto ou Ryoji Ikeda, utilisant la musique expérientale et les visuals glitch dans leurs performances.
Le festival Mutek à Montréal, qui est un événement tourné vers la musique électronique innovante, met régulièrement en avant des artistes utilisant la musique glitch dans leurs œuvres scéniques.
La musique expérimentale dans le jazz
– Cinéma
Le réalisateur Moshé Mizrahi, fait appel à Art Ensemble of Chicago pour réaliser la bande son de son film Les Stances à Sophie, sorti en 1971.
– Arts de la scène
Sun Ra et son Arkestra mêlent, dans leurs spectacles, jazz, musique électronique, poésie et théâtre, incarnant la musique expérimentale sur scène.
– Événementiel et festivals
Le « Moers Festival » en Allemagne est célèbre pour sa programmation avant-gardiste mêlant jazz expérimental, musique électronique et arts de la scène.
Le rock expérimental
– Cinéma
Alan Parker réalise le film Pink Floyd – The Wall, sorti en 1982. Le film musical est basé sur l’album éponyme de Pink Floyd, il intègre des éléments de rock progressif et expérimental, avec une narration visuelle innovante. C’est un projet concept à trois volets, le premier, étant l’album musical, le deuxième sa représentation sur scène et le troisième le long-métrage.
Conclusion
Depuis les débuts de la radio, les artistes n’ont cessé d’expérimenter, cherchant à créer des œuvres en mêlant instruments de musique, objets quotidiens, bruits. À l’arrivée de l’informatique, les bugs en ont inspiré d’autres. Tout est prétexte à créer, non seulement, de la musique, mais également des objets sonores fait de bric et de broc, écoutables ou non.
Ce que je retiens, à travers ce voyage de la musique expérimentale, techniques non- conventionnelles, c’est que tout le monde peut s’exprimer à travers le son. Tout le monde peut expérimenter, à la maison, chez soi, avec les objets qui nous entourent, qu’on côtoie tous les jours et dont, de fait, on connaît les sonorités qu’ils dégagent.
Si vous avez apprécié ce tour d’horizon, n’hésitez pas à me le dire en commentaire, ce sera un plaisir de vous lire.
Toute suggestion est la bienvenue, cela permettra à tout le monde d’en profiter et si vous avez des questions, posez-les-moi, j’y répondrai si cela correspond à mes connaissances.
N’hésitez pas à suivre le blog pour d’autres voyages.
À bientôt !